samedi 1 avril 2017

Les larmes noires sur la terre - Sandrine Collette


Titre : Les larmes noires sur la terre

Auteur : Sandrine Collette

Maison d'édition : Denoël

Date de publication : 2017

Nombre de pages : 334

Résumé : Il a suffi d'une fois. Une seule mauvaise décision, partir, suivre un homme à Paris. Moe n'avait que vingt ans. Six ans après, hagarde, épuisée, avec pour unique trésor un nourrisson qui l'accroche à la vie, elle est amenée de force dans un centre d'accueil pour déshérités, surnommé "la Casse".
La Casse, c'est une ville de miséreux logés dans des carcasses de voitures brisées et posées sur cales, des rues entières bordées d'automobiles embouties. Chaque épave est attribuée à une personne. Pour Moe, ce sera une 306 grise. Plus de sièges arrière, deux couvertures, et voilà leur logement, à elle et au petit. Un désespoir.
Et puis, au milieu de l'effondrement de sa vie, un coup de chance, enfin : dans sa ruelle, cinq femmes s'épaulent pour affronter ensemble la noirceur du quartier. Elles vont adopter Moe et son fils. Il y a là Ada, la vieille, puissante parce qu'elle sait les secrets des herbes, Jaja la guerrière, Poule la survivante, Marie-Thé la douce, et Nini, celle qui veut quand même être jolie et danser.
Leur force, c'est leur cohésion, leur entraide, leur lucidité. Si une seule y croit encore, alors il leur reste à toutes une chance de s'en sortir. Mais à quel prix ?

Sur l'auteur : Sandrine Collette est née en 1970. Elle partage son temps entre l'écriture et ses chevaux dans le Morvan. Elle est l'auteur de Des noeuds d'acier, Grand Prix de Littérature policière 2013 et best-seller dès sa sortie, de Un vent de cendres, de Six fourmis blanches et de Il reste la poussière, couronné par le prix Landerneau 2016.

Citation : "Et dans sa deuxième nuit à la Casse, les yeux rivés au feu qui joue sur son visage, Moe observe les cinq femmes fatiguées, écoute les bavardages chuchotés et le suintement du thé à la menthe qui coule dans les tasses et dont le parfum, pour quelques instants, couvre les odeurs de pourriture et de merde. Il y a une beauté fatiguée en chacune d'elles, ronde comme Poule, rieuse comme Marie-Thé, ou encore austère - Ada et Jaja ont de longs traits tendus et des yeux brillants malgré l'obscurité ; seule Nini-peau-de-chien rayonne, Moe se demande pourquoi, d'où vient cette incroyable force. Elle-même dans quatre ans, à laquelle ressemblera-t-elle ? Les mains refermées autour du gobelet, elle contemple sa vie anéantie, vingt-six années échouées dans ce vide immense. Marie-Thé a posé sa flûte. Le silence les enveloppe, un faux silence entrecoupé de voix dans les autres voitures, auxquelles les leurs tournent le dos, des rires, des ronflements, et puis le bruit de la ville qui ne dort jamais entièrement, jamais ensemble, les rythmes l'empêchent de se reposer, le sol est toujours foulé par quelques pas, l'air par quelques insultes. Si elle était ailleurs, Moe dirait peut-être que c'est une belle nuit - s'il n'y avait pas la promiscuité, les odeurs, l'absence d'avenir. S'il  n'y avait pas non plus les centaines de rallonges électriques qui courent sur la terre et barrent le ciel, flottant d'un poteau à l'autre et d'une berline à une caravane, alimentant des ampoules de trente-cinq watts posées à même le sol, à même les tableaux de bord qui sentent le chaud et que l'on craint toujours de voir prendre feu"

Commentaire personnel : Ce roman est accrocheur, mis à part le début qui pour moi était assez mou. Je n'ai pas très bien compris où Moe habitait au début (avec l'homme et la vieille femme. J'imagine que c'était son copain), mais cet endroit lui a permis d'acquérir son savoir-faire avec les personnes âgées qui lui servira par la suite dans la Casse. Cet endroit est particulièrement terrifiant. Il est divisé en plusieurs quartiers et il existe quatre Casses dans la France, dispersés aux quatre points cardinaux.
Moe arrive donc dans son quartier malgré qu'elle ne veuille pas vivre de cette manière là. Elle est partie de l'endroit où elle était parce que l'homme la traitait mal. Elle voulait une vie meilleure. Une ancienne amie la recueille chez elle le temps qu'elle trouve un travail, mais le premier travail qu'elle trouve, le boss lui dit que si elle veut travailler en tant que femme de ménage pour lui, elle devrait coucher avec lui. Elle refuse mais ne l'explique pas à son amie qui est vraiment en colère. S'ensuivent les rendez-vous professionnels mais aucuns boulots pour elle. Son amie les vire, Moe et le petit. Ils se retrouvent à la rue, dorment par terre. Un soir qu'ils essayaient de dormir dans un hôpital au chaud, les services sociaux se pointent et prennent le petit ainsi que Moe, et les amènent à la Casse.
La Casse, pour vous expliquer en détail, c'est comme un cimetière de voitures, où vivent les personnes pauvres, déshéritées, afin de les exclure de la société. Cet endroit pue les poubelles, la crasse, le dégoût, la mort. Le gouvernement, en les regroupants tous dedans, pense pouvoir donner une vie meilleure aux riches. Les "pauvres" vivent donc dans ces petites voitures, travaillent dans les récoltes tous les jours pour gagner au final un peu plus de six euros par semaine. Avec cet argent ils peuvent s'acheter de quoi se nourrir et des extras, mais n'ont jamais assez pour ça. C'est pour cela que j'ai bien aimé un passage du roman qui m'a marqué, lorsqu'une des filles économise pour acheter à chacune des filles des rochers en chocolat. Les filles crient de joie car elles n'en avaient pas mangé depuis des années. C'était touchant.
Certains quartiers de la Casse sont malfaisants, où les habitants font la fête toute la nuit, où se rejoignent les dealers de drogues, d'armes, où les filles se font violer et où elles accouchent d'enfants non désirés, et où les filles deviennent des prostituées pour gagner plus d'argent. Pour sortir de la Casse, il faut rassembler une somme extravagante (je ne me souviens plus si c'était 150 000 ou 50 000€) mais en tout cas, en gagnant six euros et quelques par semaine et en faisant les courses, Moe a compté qu'il lui faudrait treize ans pour récolter cette somme sans dépenser son argent.
A travers ce roman on rencontre les difficultés de ces pauvres gens qui se battent chaque jour, malgré l'épuisement, le froid, la chaleur, le manque d'hygiène, l'entassement, pour continuer une nouvelle journée et pour travailler encore et encore, sans relâche, pour survivre. Car survivre, c'est le but ultime de chaque habitant de la Casse. Beaucoup meurent, surtout pendant l'hiver. Les voitures ne possèdent pas le chauffage, la nuit est dure.
Au fil des pages, Moe se lie d'amitié avec Ada, une vieille femme, la seule qui est respectée par tout le monde, même par les gardes (une des règles de la Casse est qu'il ne faut jamais regarder dans les yeux un garde), Nini-peau-de-chien, Jaja, Marie-Thé et Poule. Bien sûr, ce ne sont pas leurs vrais noms. Mais ils contiennent la vérité sur leur passé, un passé lourd et dur qu'elles endossent chaque jour avec elles. Les histoires sont racontées avec émotion.
En ce qui concerne la fin, elle m'a bouleversée. Je ne m'y attendais pas du tout mais comme je ne veux pas spoiler je ne dirai rien. Tous ceux qui ont lu ce roman sauront de quoi je veux parler. Ça m'arrive vraiment rarement, mais j'étais sous le choc à la fin, je n'arrivais pas à me défaire des lignes, je dévorais chaque mot, et surtout je l'imaginais dans ma tête comme si c'était un film. Une fin vraiment surprenante, pleine d'émotions.

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