vendredi 24 février 2017

Profil Bas - Liz Nugent


Titre : Profil Bas

Auteur : Liz Nugent

Maison d'édition : Denoël

Traducteur : Pierre Ménard

Nombre de pages : 385

Résumé : Lydia vit dans une superbe demeure dublinoise avec son mari, le très respectable juge Fitzsimons, et leur fils adolescent. Ils forment une famille unie et heureuse. Il manque juste un petit quelque chose pour que le bonheur de Lydia soit total... et ce petit quelque chose, elle est prête à tout pour l'obtenir. Même à tuer ?

Citation : "Nous aviserons demain. Personne ne nous a vus. Nul ne peut établir le moindre lien entre cette fille et nous. Elle avait sûrement bien trop honte de ce qu'elle s'apprêtait à faire pour en parler à quiconque. Tout ce qu'il faut décider, c'est ce que nous allons faire de son corps. 
- Tu es sûre que personne ne nous a vus ?
- Il n'y avait pas âme qui vive sur la grève. Je l'ai parcourue de long en large pour m'en assurer. Va te coucher, mon amour. Cela ira mieux demain."
Il me dévisagea comme si j'étais devenue folle. Je soutins son regard. 
"Ce n'est pas moi qui l'ai étranglée", dis-je. 
Des larmes se remirent à couler le long de ses joues. 
"Mais si tu ne l'avais pas frappée...
- Eh bien quoi ? Elle serait morte un peu plus lentement ? Où elle aurait été atteinte de lésions cérébrales irréversibles ?
- Nous aurions pu raconter que nous l'avions découverte dans cet état. 
- Tu tiens vraiment à la ramener là-bas, à appeler une ambulance et à leur expliquer ce que tu fabriquais sur la grève à une heure du matin ?"
Il regarda le fond de son verre. 
"Mais qu'allons-nous faire ?
- Aller dormir."

Commentaire personnel : GROS COUP DE CŒUR ! 
Ce livre est incroyablement bien écrit, du début à la fin. La traduction est bluffante. Je me suis prise une claque en plein visage. Liz est surprenante. Pour ceux qui ne la connaissent pas (comme moi avant d'avoir eu la chance de lire ce roman), elle est née à Dublin en 1967. Comme dans Oliver ou la fabrique d'un manipulateur, Liz Nugent nous livre ici les pensées les plus sombres d'un être capable de causer la perte de tous ceux qu'elle aime sans éprouver le moindre remords. 
Le roman est divisé en trois parties. La première se déroule en 1980, la seconde en 1985 et la troisième en 2016. On suit l'histoire de deux familles qui pourrait n'avoir aucun lien mais qui, avec le meurtre, sont funestement liées. Chaque chapitre est basé sur un personnage en narration interne. La famille principale est composée de la mère (Lydia), du père (Andrew le juge), et du fils (Lawrence). L'autre famille, qui est secondaire, se constitue des parents et des deux filles (Karen et Annie) dont le nom de famille est Doyle. Nous suivons aussi la vie d'Andrew, ses secrets, ses premiers amours, son complexe, sa persistance. C'est un personnage que l'on voit grandir et qui est fort mentalement. La première phrase du livre nous indique qui a tué qui, et donc nous savons dès le départ le meurtrier. 

"Mon mari n'avait pas l'intention de tuer Annie Doyle, 
mais cette petite menteuse l'avait bien cherché". 

Donc nous commençons avec cette phrase, toute aussi surprenante qu'originale, cette forme de roman différant de la normale. S'ensuivent les découvertes sur les personnages, les suspicions des uns et les secrets des autres. Chaque chapitre nous permet d'en apprendre un peu plus sur le pourquoi du meurtre, pourquoi ils ont tué Annie, qui est-elle au fond (contrairement à ce que pensent sa sœur et ses parents), quel est le lien entre elle et la famille Fitzsimons, et surtout comment avance l'histoire cinq ans plus tard et en 2016. 

Les personnages créent des liens malgré toute attente. La fin est incroyable, je ne m'y attendais pas du tout. Tout au long du roman on découvre de plus en plus l'esprit sombre et tourmenté de Lydia, une mère  de famille qui semble être tout à fait banale mais qui cache de nombreux secrets sur son passé et son présent. Elle est prête à tout pour avoir ce qu'elle désire le plus. Mais y parviendra-t-elle ?
Le roman débute et se clôt sur Lydia, personnage incompréhensible mais extrêmement important. Elle est la source des problèmes surgissants pendant le roman. Elle est la raison de son malheur et de son bonheur. 

Livre à lire impérativement !

jeudi 16 février 2017

L'influence de l'odeur des croissants chauds sur la bonté humaine - Ruwen Ogien




Titre : L'influence de l'odeur des croissants chauds sur la bonté humaine ET AUTRES QUESTIONS DE  PHILOSOPHIE MORALE EXPÉRIMENTALE

Auteur : Ruwen Ogien

Maison d'édition : Grasset

Date de publication : 2011

Genre : Philosophie

Citation : (tirée de l'introduction) "Imaginez un canot de sauvetage pris dans une tempête en pleine mer. À son bord, il y a quatre hommes et un chien.
Tous les cinq vont mourir si aucun homme n'accepte d'être sacrifié, ou si le chien n'est pas jeté par-dessus bord.
Est-il moralement permis de jeter le chien à la mer simplement parce que c'est un chien, sans autre argument ?
Qu'en pensez-vous ?
Supposez, à présent, que ces hommes soient des nazis en fuite, auteurs de massacres de masse barbares, et que le chien soit un de ces sauveteurs héroïques, qui ont permis à des dizaines de personnes d'échapper à une mort atroce après un tremblement de terre.
Est-ce que cela changerait quelque chose à votre façon d'évaluer leurs droits respectifs à rester sur le canot de sauvetage ?"

Résumé du livre : Vous trouverez dans ce livre des histoires de criminels invisibles, de canots de sauvetage qui risquent de couler si on ne sacrifie pas un passager, de machines à donner du plaisir que personne n'a envie d'utiliser, de tramway fous qu'il faut arrêter par n'importe quel moyen, y compris en jetant un gros homme sur la voie. Vous y lirez des récits d'expériences montrant qu'il faut peu de choses pour se comporter comme un monstre, et d'autres expériences prouvant qu'il faut encore moins de choses pour se comporter quasiment comme un saint : une pièce de monnaie qu'on trouve dans la rue par hasard, une bonne odeur de croissants chauds qu'on respire en passant.
Vous y serez confrontés à des casse-tête moraux. Est-il cohérent de dire : "Ma vie est digne d'être vécue, mais j'aurais préféré ne pas naître" ? Est-il acceptable de laisser mourir une personne pour transplanter ses organes sur cinq malades qui en ont un besoin vital ? Vaut-il mieux vivre la vie brève et médiocre d'un poulet d'élevage industriel ou ne pas vivre du tout ?
Cependant, le but de ce livre n'est pas de montrer qu'il est difficile de savoir ce qui est bien ou mal, juste ou injuste. Il est de proposer une sorte de boîte à outils intellectuels pour affronter le débat moral sans se laisser intimider par les grands mots ("dignité", "vertu", "devoir", etc.), et les grandes déclarations de principe ("il ne faut jamais traiter une personne comme un simple moyen", etc.).
C'est une invitation à faire de la philosophie morale autrement, à penser l'éthique librement.

Commentaire personnel : C'est loin d'être le premier livre de Ruwen Ogien, qui a aujourd'hui écrit 31 livres. Pour ceux qui ne le connaissent pas, il est né en Allemagne et est arrivé en France peu après sa naissance. C'est un philosophe français libertaire contemporain, directeur de recherche au CNRS en philosophie, mais est aussi membre du laboratoire La République des savoirs. Il s'intéresse particulièrement à la philosophie morale et à celle des sciences sociales.
Ayant eu mon Bac L et donc 8h de cours de philo par semaine et un petit 7 à mon épreuve finale, je m'étais découragée et j'étais surtout dégoûtée de cette matière. J'avais acheté ce livre car un de mes profs de philosophie nous l'avait fortement conseillé pour nous aider durant l'année et surtout l'épreuve. Je l'ai donc jamais lu, jusqu'à il y a quelques semaines où je me suis dit "tu peux le faire, vas-y courage, c'est juste de la philosophie, ça peut pas te faire de mal". J'ai commencé à le lire, et j'ai accroché dès l'introduction (la citation que j'ai mise ci-dessus). J'ai trouvé très amusant les exemples tout au long du livre. Car si vous voulez un roman avec une histoire qui commence avec un problème  et une succession de malheurs au héros pour finir par un happy ending, ce n'est pas le bon livre pour vous. Il n'y a pas d'histoire. C'est un enchaînement d'exemples, de courtes "histoires", afin de remettre en question nos jugements moraux, mais surtout de se demander qu'est-ce qu'on aurait fait à ce moment-là si ça nous arrivait.
Le livre est divisé en quatre parties : l'introduction, le développement, la conclusion, et le glossaire (où tous les mots difficiles sont bien expliqués). Le seul hic, c'est que Ruwen pose beaucoup de questions et n'apporte pas suffisamment de réponses. Mais c'est un choix d'écriture, comme c'est expliqué dans le résumé.
Vous pourrez le trouver pour 7€50 en livre de poche.
Je le conseille pour tous les lycéens en première ou terminale, pour ceux qui veulent découvrir la philosophie facilement avant de commencer les cours ou avant de passer le bac. C'est quand même relativement bien expliqué je trouve, il utilise un vocabulaire simple et large pour parler de choses pointues. Il n'hésite pas à expliquer ce qu'il pense être compliqué pour nous lecteurs, soit en note en bas de la page, soit dans le Glossaire à la fin du livre.

Même Marie-Antoinette (ma minette) a l'air de l'apprécier !