dimanche 26 novembre 2017

C'est ainsi que cela s'est passé - Natalia Ginzburg




TitreC'est ainsi que cela s'est passé 

Auteur : Natalia Ginzburg

Publication : 1983 en France, 1947 en Italie.

Maison d'édition : Denoël (Empreinte)

Couverture : Stanislas Zygart

Traducteur : traduit de l'italien par Georges Piroué

Nombre de pages : 127

Sur l'auteur

Née à Palerme, Natalia Ginzburg a publié ses premiers récits dans la revue Solaria en 1933. De 1940 à 1943, elle fut exilée pour anti-fascisme avec son mari Leone Ginzburg. Celui-ci, intellectuel italien d'origine russe, devait mourir sous la torture dans la prison romaine de Regina Coeli. En 1950, Natalia Ginzburg épousa en secondes noces l'écrivain Gabriele Baldini. Romancière, essayiste, auteure dramatique, son œuvre est traduite dans de nombreuses langues.


Résumé : Un matin gris à Turin dans les années cinquante. Une femme en imperméable marche sans but dans la ville. Elle vient de tirer une balle entre les deux yeux de son mari. Un geste sec et efficace accompli sans aucune préméditation. 
Perdue au milieu des avenues muettes et hivernales, elle se souvient : la rencontre et l'espoir, l'attente et l'incertitude, puis la vie à deux jusqu'à cette matinée fatale.

Citation :
"Mais pourquoi diable vous êtes-vous mariés tous les deux ?
- Oui, j'ai fait une erreur. Il n'en avait pas grande envie, mais il ne s'est pas arrêté à réfléchir. Il n'aime pas penser longuement aux choses importantes. Et puis il déteste les gens qui regardent fixement en eux-mêmes et qui se forcent à découvrir la manière juste de vivre. Quand il me voit immobile et silencieuse en train de penser, il allume une cigarette et s'en va. Je l'ai épousé parce que je voulais toujours savoir où il était. Alors que lui sait toujours où je suis. Il sait que je suis ici et que je l'attends. Mais moi, au contraire, je ne sais pas où il est. Ce n'est pas mon mari. Un mari est quelqu'un dont on sait toujours où il est. Quelqu'un qui, quand on te demande "Où est-il?", tu peux répondre sur-le-champ sans crainte de te tromper. Mais moi maintenant je ne sors plus de chez moi dans la crainte de rencontrer des connaissances qui me demanderont : "Où est-il?" Tu comprends, je ne saurais pas quoi répondre. Cela te fera peut-être l'effet d'une chose un peu stupide, ai-je conclu, mais j'ai honte et je ne sors pas de chez moi."
Il a dit :
"Mais pourquoi vous êtes-vous mariés? Qu'est-ce qui vous a pris?"
Je me suis mise à pleurer. Et lui :
"Une belle imbécillité."


Commentaire personnel : Ce court roman m'a parfois fait penser à Madame Bovary de Gustave Flaubert. C'est l'histoire d'une femme qui épouse un homme, mais qui s'ennuie profondément dans ce mariage. À un point même qu'elle commet un meurtre : celui de son époux. Ce n'est non un suicide comme chez Flaubert, mais un crime. Elle explique les raisons qui l'ont poussées à faire ce geste : adultère, décès d'un enfant, ennui, peur, abandon... Un roman écrit à la première personne adressé à Leone, le premier mari de Natalia Ginzburg, l'auteure. Peut-être y a-t-elle mis une touche autobiographique dans ce livre. 
J'ai été un peu déçue par le roman en lui-même, je m'attendais à quelque chose de plus cru, de plus violent, peut-être un peu plus moderne. C'est un livre destiné aux personnes aimant Flaubert, sans les descriptions sans fin. Il est très court et se lit très vite, ce qui est une bonne chose en soi. J'aime beaucoup la couverture, elle m'a intriguée en premier lieu. L'écriture m'a plue aussi, car elle est très jolie, un peu enfantine par moments, mais est globalement simple. Nous découvrons une Italie ancienne, où perdre un enfant n'est pas si anodin, mais où la douleur est en revanche présente. 
Nous ne connaissons pas le prénom du personnage principal, mais nous savons qu'elle a 26 ans quand elle épouse Alberto qui a la quarantaine. Il est petit et plus vieux, mais cela ne semble déranger ni l'un ni l'autre au sein du couple. Natalia Ginzburg dresse un portrait d'une femme rongée et usée par ce mariage sans amour.

samedi 4 novembre 2017

N'éteins pas la lumière - Bernard Minier



TitreN'éteins pas la lumière

Auteur : Bernard Minier

Publication : 2014

Maison d'édition : Pocket

Couverture : Plainpicture / Lohfink

Traducteur : ø

Nombre de pages : 700

Sur l'auteur


Bernard Minier, né en 1960, originaire de Béziers, a grandi au pied des Pyrénées. Contrôleur principal des douanes, marié et père de deux enfants, il vit aujourd'hui en région parisienne. Glacé (2011) son premier roman, a reçu le prix du meilleur roman francophone du Festival Polar de Cognac. 
Après Le Cercle (2012) et N'éteins pas la lumière (2014), son dernier ouvrage, Une putain d'histoire (2015), a également reçu le prix du meilleur roman francophone du Festival Polar de Cognac.
Ses livres sont  traduits en 18 langues.







Résumé
"Tu l'as laissée mourir..."
Le soir de Noël, Christine Steinmeyer, animatrice radio à Toulouse, trouve dans sa boîte aux lettres le courrier d'une femme qui annonce son suicide. Elle est convaincue que le message ne lui est pas destiné. Erreur ? Canular ? Quand le lendemain, en direct, un auditeur l'accuse de n'avoir pas réagi, il n'est plus question de malentendu. Et bientôt, les insultes, les menaces, puis les incidents se multiplient, comme si quelqu'un cherchait à prendre le contrôle de son existence. Tout ce qui faisait tenir Christine debout s'effondre. Avant que l'horreur fasse irruption. 
Dans les ténèbres qui s'emparent de sa vie, la seule lueur d'espoir pourrait bien venir d'un certain Martin Servaz.

Citation :

J'écris ces mots. Les derniers. Et, en les écrivant, je sais que c'est terminé : il n'y aura pas de retour en arrière possible, cette fois.
Tu vas m'en vouloir de te faire ça un soir de Noël. Je sais que ça heurte au plus haut point ton fichu sens des convenances. Toi et tes foutues manières. Dire que j'ai cru à tes mensonges, à tes promesses. De plus en plus de paroles et de moins en moins de vérité : c'est ça, le monde, aujourd'hui.
Je vais vraiment le faire, tu sais. Ça, au moins, ce n'est pas du baratin. Est-ce que ta main tremble un peu à présent ? Est-ce que tu transpires ? 
Ou peut-être qu'au contraire tu souris en lisant ces mots. Est-ce que c'est toi qui es derrière tout ça ? Ou bien ta pétasse ? C'est vous qui m'avez envoyé tous ces opéras ? Et le reste : vous aussi ? Peu importe. Il y a eu un moment où j'aurais donné n'importe quoi pour savoir qui pouvait me haïr à ce point, un moment où je cherchais désespérément comment j'avais pu susciter tant de haine. Parce que forcément ça venait de moi, c'est ce que je me disais. Mais plus maintenant. 
Je crois que je deviens folle. Folle à lier. À moins que ça ne soient les médocs. De toute façon, cette fois, je n'ai plus la force. Cette fois, c'est terminé. J'arrête. Stop. Qui que ce soit, il a gagné. Je n'y arrive plus. Je ne dors plus. Stop.
Je ne me marierai jamais, je n'aurai jamais d'enfants : j'ai lu cette phrase dans un roman. Merde. Maintenant, je comprends ce qu'elle voulait dire. Il y a des choses que je vais regretter, bien sûr. La vie peut être drôlement chouette parfois, sans doute pour mieux nous blesser ensuite... Toi et moi, cela aurait peut-être fini par coller, avec le temps. Ou peut-être pas... Pas grave. Je sais que tu auras vite fait de m'oublier, de me reléguer dans le magasin des souvenirs désagréables, ceux qu'on n'aime pas évoquer. Tu diras à ta pétasse, en prenant un air repentant : "Elle était folle, dépressive ; je n'ai pas compris à quel point." Et puis, vous passerez bien vite à autre chose. Vous rirez et vous baiserez. Mais je m'en fous : tu peux crever. En attendant, c'est moi qui vais le faire.

JOYEUX NOËL QUAND MÊME.


Commentaire personnel : Ce roman a été vite expédié dans ma pile de livres lus. Beaucoup de passages m'ont choqués, m'ont laissés sans voix, et m'ont fait trépider d'angoisse avant de dormir. Un passage particulièrement, d'une violence morale et physique inouïe. Je ne pouvais pas défaire mes yeux des lignes, même si je voulais en même temps refermer le livre et le jeter très loin de moi. 
C'est un roman psychologique sur certains abords. Bernard Minier manie certains sujets délicats comme le suicide ou le harcèlement. 
J'ai eu la chance de parler avec cet auteur quand je travaillais à la Comédie du Livre cette année. Je lui ai posé des questions et il m'a répondu avec sincérité. C'est un homme incroyablement gentil et passionné. Il m'a avoué qu'il écrivait ses romans entre huit et dix mois. Ça peut paraître long pour certains, et court pour d'autres. Mais en tout cas c'est le temps qu'il lui faut. 
Ce roman m'a laissée perplexe, je n'ai rien vu venir. Rien du tout. Je pensais que c'était un personnage en particulier qui avait écrit la lettre et fait toutes ces méchantes choses à Christine, mais c'était finalement un tout autre personnage. Comme quoi, la manipulation y joue beaucoup. Ce personnage a manipulé tout le monde afin de prétendre qu'il était un saint aux yeux de tous, une victime même. C'est pourtant, quand on comprend sa psychologie, un personnage ignoble, sans pitié, manipulateur, sans peur, qui agit pour une simple et bête raison. 
Je conseille ce livre car il est vraiment poignant. On suit la persévérance de Christine tout au long du roman. Elle souhaite à tout prix retrouver qui a fait tout ça. Qui la fait passer pour une malade mentale, qui la suit partout, qui rentre chez elle par effraction même quand elle change les serrures, qui blesse son entourage, qui la fait passer pour folle auprès de son fiancé. Elle finit seule, au fond du gouffre, sans amis, sans son fiancé, sans son travail. Tous la laissent tomber, un par un. Ils la délaissent. Elle hésitera d'ailleurs à mettre fin à ses jours, puis se dira qu'elle n'a pas fait tout ça pour rien. Elle continuera à chercher la vérité, cette vérité qui a un prix. 
Chaque chapitre (plus ou moins) alterne entre le récit de Christine et celui du commandant Martin Servaz. Martin n'avait pourtant rien en commun avec Christine au début du roman, mais au fil des pages ils finissent par se rencontrer et il l'aide. Il croit en elle lorsque tout le monde la laisse tomber. Il est là pour elle, la soutient et veut coincer à son tour celui qui a fait ça. Cette pourriture.

L'écriture est dingue, crue, sans pitié. Il ne prend pas des pincettes pour décrire certaines scènes terribles, comme celles de meurtre, de viol, de prise de drogue... 
J'avais déjà lu Le Cercle mais il m'avait beaucoup moins plu que N'éteins pas la lumière. On sent ici que l'auteur s'est lâché dans son style, il s'est livré à son cercle de lecteurs, à nous. Il est plus à l'écoute de nos attentes. Ça se ressent. 

mardi 31 octobre 2017

Ce que cachait Archie Ferber - Casey B. Dolan




TitreCe que cachait Archie Ferber

Auteur : Casey B. Dolan

Publication : 2017

Maison d'édition : Denoël (Sueurs Froides) 

Couverture : Constance Clavel

Traducteur : Traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Perrine Chambon et Arnaud Baignot

Nombre de pages : 439

Sur l'auteur







Casey B. Dolan fait partie des personnalités les plus appréciées de son pays, l'Afrique du Sud.
Elle est actrice, présentatrice de télévision, animatrice radio, modèle, DJ, entrepreneuse, chanteuse pop et écrivaine. Elle travaille actuellement sur son troisième roman.









Résumé : Chaque psychiatre a, au cours de sa carrière, rencontré un patient pas comme les autres. Un patient qui l'obsède, qui hante ses pensées et ses cauchemars. Pour Felicity Sloane, experte médico-légale à Boston, il s’agit d’Archie Ferber, jeune Texan timide qui a fait fortune dans la restauration. 
Lui et son compagnon Matthew désirent un enfant à tout prix. Toutes leurs tentatives d’adoption aux États-Unis se soldant par des échecs, ils se tournent vers l’Afrique du Sud, pays d’origine de Matthew, où ils font appel à une mère porteuse qui met au monde la petite Hannah. Mais le bébé disparaît, la mère est sauvagement assassinée, et c’est Archie qui est montré du doigt. Y compris par Matthew. La seule personne capable de le sauver d’une extradition vers l’Afrique du Sud est Felicity Sloane. Celle-ci est capable de mesurer les tendances meurtrières d’un suspect grâce à des techniques de pointe. Mais cela suffira-t-il à tirer Archie d’affaire? Et est-il réellement l’innocente victime qu’il prétend être?

Citation :

La plupart des gens préfèrent passer leur vie dans des boîtes. Des espaces réduits et sûrs. Tout en rêvant de collines, de grosses voitures et de gadgets sophistiqués. De toutes petites boîtes, minuscules. Rares sont ceux qui explorent les régions situées au-delà de leur zone de confort, parce que satisfaire sa curiosité équivaut à s'exposer au danger. C'est un vilain défaut, après tout, la curiosité. 
Un vilain défaut qui peut nous mener au pire.
Nous, les humains, nous ne sommes pas aussi habiles que les félins ; nous sommes des êtres étranges et déséquilibrés. On nous a appris à contenir nos pulsions, à réprimer nos désirs. On se ment à soi-même afin de dompter ses instincts naturels. Mais en définitive, cette construction dans laquelle nous vivons n'est qu'un mensonge, un mensonge perpétuel auquel tout le monde participe. La plupart des gens se répètent que leurs pulsions sont coupables, qu'elles ne devraient pas exister, ils se persuadent qu'elles sont contre nature jusqu'à croire finalement à ce mensonge. Je suis unique parce que je maîtrise mes pulsions tout en reconnaissant leur existence, et je sais les contrôler jusqu'au moment opportun. Je le fais volontairement. En toute conscience. En d'autres termes, je suis capable de mentir mieux que personne. 



Commentaire personnel : Ce roman m'a légèrement déçue par sa fin, je m'attendais tellement à ce qu'ils parviennent à retrouver Hannah que oui j'ai été déçue. Mais cela n'empêche pas que l'écriture est vraiment bien, pointilleuse, on peut voir que l'auteure sait où elle va. On entre dans la peau de Archie, le Dr Sloane, mais aussi dans celle du mari d'Archie, Matthew. Tout laisse à penser que c'est Archie qui a tué la mère porteuse de Hannah (leur fille) mais pourtant il a un alibi en béton. Il joue avec le Dr Sloane, qui doit l'aider à avouer la vérité à tout le monde. Elle sait qu'il est innocent, mais qu'il cache quelque chose. Archie pointe du doigt son mari, et lui fait de même. Nous commençons le roman avec un gros point d'interrogation flottant au-dessus de nos têtes. Qui a bien pu tuer cette femme ? Et pour quelles raisons ? 
La dernière phrase du roman nous fait comprendre qu'il y aura une suite à ce roman, ce que j'espère fortement. J'ai vraiment adoré l'alternation des styles d'écriture. Un chapitre c'est une pièce à conviction, un autre un entretien dans une salle privée, un autre chez le psy, un autre où c'est une scène dont le Dr Sloane n'est pas figurante, un autre un e-mail... C'est impossible de trouver les solutions tout seul, mais rien n'empêchera le Dr Sloane à comprendre la vérité. Elle est prête à tout, même si elle doit compromettre son travail. 
Pour élucider l'affaire, Felicity Sloane doit se rendre en Afrique du Sud pour interroger Archie, Matthew et d'autres suspects. Elle y laisse corps et âmes pour trouver qui a fait ça. C'est pas de tout repos bien évidemment. Elle se trouve donc dans un lieu hostile, où elle ne connaît personne, mais où elle y trouvera l'amour. Elle s'attache malencontreusement à Archie Ferber, sans le vouloir. Lui ne montre aucun sentiment, agit étrangement à l'égard du Dr Sloane. On dirait un psychopathe qui s'y plaît à torturer l'esprit de son entourage et du Dr Sloane. C'est comme si c'était un jeu. Il se fiche de prendre dix ans de prison pour falsification de documents. Il ne souhaite pas alléger sa peine. Tout ce qu'il veut, c'est s'amuser, compliquer le travail du Dr Sloane et en rigoler. 
Ce roman est à la fois malsain, stressant, inquiétant ; et paradoxalement plaisant, drôle et amusant à lire.

samedi 21 octobre 2017

Mort sur le Nil - Agatha Christie




TitreMort sur le Nil

Auteur : Agatha Christie

Publication : 1937

Maison d'édition : Le Livre de Poche 

Couverture : Studio LGF © Getty Images

Traducteur : Elise  Champon et Robert Nobret

Nombre de pages : 287 

Sur l'auteur




Agatha Christie (1890-1976) est surnommée la "Reine du crime", et fait partie des écrivains les plus connus au monde et elle est considérée comme l'auteur le plus lu de l'histoire chez les Anglo-Saxons, après Shakespeare. C'est aussi de très loin l'auteur le plus traduit dans le monde. Elle a publié 66 romans, 154 nouvelles et 20 pièces de théâtre. Ses œuvres ont été traduites dans le monde entier. La plupart des intrigues se déroulent à huis clos, ce qui permet au lecteur d'essayer de deviner l'identité du coupable avant la fin du récit.






Résumé : Ce n'est pas très joli de voler la fiancé de sa meilleure amie. Et même si l'amie en question semble se résigner, la ravissante et riche Linnet Ridgeway a bien des raisons d'être inquiète... Surtout quand le hasard les rassemble, sur le Nil, avec de troublants personnages, dans une atmosphère lourde de sensualité et de cupidité.

Citation
Poirot hocha la tête avec sympathie.
- Si j'ai bien compris, demanda-t-il, miss Robson est venue vous chercher cette nuit ?
- Ma foi, oui, c'est ça.
- Voudriez-vous m'expliquer ce qui s'est passé au juste ?
- Ma foi, miss Robson m'a donné un bref aperçu de la situation et je l'ai suivie. J'ai trouvé Mlle de Bellefort très agitée, dans un état quasi hystérique.
- A-t-elle proféré des menaces contre Mrs Doyle ?
- Non, absolument pas. Elle était en pleine crise d'auto-accusation morbide. Elle avait beaucoup bu, je dois dire, et c'était la réaction. J'ai cru bon de ne pas la laisser seule. Je lui ai fait une injection de morphine et je suis restée à son chevet.
- Maintenant, miss Bowers, je voudrais que vous répondiez à ceci : Mlle de Bellefort a-t-elle quitté sa cabine à un moment quelconque ?
- Non.
- Et vous-même ?
- Je n'ai pas bougé jusqu'au matin.
- Vous en êtes sûre ?
- Sûre et certaine.
- Merci, miss Bowers.
L'infirmière sortit. Les deux hommes se regardèrent. 
Jacqueline de Bellefort était définitivement hors de cause. Alors qui, dans ces conditions, avait assassiné Linnet Doyle ?



Commentaire personnel : Ce roman a été adapté en film il y a plusieurs années de cela. Je l'avais vu enfant, et je me souviens qu'il m'avait beaucoup marqué. C'était le premier film d'enquête que j'avais regardé et j'en garde un très bon souvenir, même si aujourd'hui le film a bien vieilli. C'est avec ce film-ci que j'ai pris goût aux enquêtes et aux polars. En le lisant, je n'avais bien évidemment aucun souvenir des personnages, juste du lieu. Je me rappelais des cabines dans le bateau. Des pyramides aussi. 
Dans ce huis clos, Agatha Christie nous fait douter encore une fois de notre instinct. Elle cherche à nous prouver que les premiers doutes sont parfois vrais, contrairement à d'autres romans. En lisant le livre, je me rappelais qui avait tué Linnet et pour quelle raison, aussi simple soit-elle. Mais pas des autres crimes déroulés sur ce même bateau. Car oui il y en a eu trois en tout. La solution est pourtant simple et évidente, mais tout porte à croire que ce n'est pas possible. L'auteur du crime avait prédit méticuleusement son geste, de A à Z. 

Hercule Poirot, en assemblant les pièces du puzzle, parvint à trouver comme à son habitude le meurtrier ainsi que les deux autres criminels. Cette fin poussée à bout de l'imagination, reste tout de même crédible ; et Agatha Christie nous surprend une fois de plus par l'humour de son détective belge et par sa lucidité à comprendre la psychologie de chacun de personnages. Elle nous fait perdre parfois le fil de l'histoire avec ses nombreux personnages différents, ainsi que leurs personnalités hors du commun poussées au maximum.

Ce roman a un côté réel car Agatha Christie s'est bel et bien rendue en Egypte avec sa mère, puis plusieurs années après avec son mari Max Mallowan, un archéologue. Ils y sont allés pour visiter. Ils s'étaient rencontrés lors d'un voyage commun mais Agatha Christie était dans l'obligation d'écourter son voyage car elle venait d'apprendre que sa fille avait une pneumonie. Ils se sont revus et il l'a demandée en mariage. Avec une longue hésitation due à leur différence d'âge (elle avait quinze ans de plus que lui) et du fait qu'il soit catholique, elle accepta.

L'auteur écrivit d'ailleurs à propos de Mort sur le Nil : "Je pense, moi-même, que le livre est un des meilleurs de la série de voyages de Poirot. Je pense que la situation centrale est intrigante et a des possibilités dramatiques, et les trois personnages, Simon, Linnet, et Jacqueline, semblent à mon avis être vrais et vivants."

samedi 14 octobre 2017

You - Caroline Kepnes


TitreYou

Auteur : Caroline Kepnes

Publication : 2014

Maison d'édition : Simon & Schuster

Couverture : Getty Images ; S&S Art Dept

Traducteur : ø

Nombre de pages : 422

Sur l'auteur

Caroline Kepnes is from Cape Cod, Massachusetts. Her first novel YOU was translated into 19 languages and shortlisted for a CWA New Blood Award. Her second novel HIDDEN BODIES is a sequel that Booklist describes as 'the love child of Holden Caulfield and Patrick Bateman'. Caroline earned a BA in American Civilization at Brown University and worked as a pop culture journalist on Entertainment Weekly and a TV writer on 7th Heaven. She now writes full-time and lives in Los Angeles. A 10 episode TV series based on YOU will premiere on Lifetime Network in 2018.

Caroline Kepnes est née à Cap Cod dans le Massachusetts. Son premier roman YOU a été traduit dans 19 langues et pré-selectionné pour le prix du CWA (Crime Writers Association : l'association des auteurs de crime). Son second roman Corps Cachés est une suite que Booklist décrit comme "l'enfant chéri de Holden Caulfield et Patrick Bateman". Caroline a eu son diplôme de civilisation américaine à l'université de Brown, et travaille comme une journaliste de la culture pop chez Entertainment Weekly et comme un écrivain à la télévision sur 7th Heaven. Elle écrit maintenant à temps plein et lit à Los Angeles. Une série télévisée de dix épisodes basée sur YOU sortira sur Lifetime Network en 2018.




Résumé : When Guinevere Beck strides into the bookshop where Joe works, he is instantly smitten. And so begins an attraction that quickly spirals into a whirlwind of deadly consequences.

Lorsque Guinevere Beck entre dans la librairie où Joe travaille, il est tout de suite épris. Et alors commence une attirance qui rapidement dégénère dans un tourbillon de conséquences mortelles.

Citation

You reach out your arms but you're wobbling. You drop your phone and you lunge to grab it in the process you misstep - "Aaah!" - and you slip and trip on that damn shoelace and you fall splat and somehow you land the wrong way and you roll off the yellow danger zone and down into the actual danger zone. You scream. It's the fastest slowest fall I've ever seen and you're only a voice down on the tracks now, a shriek and his singing doesn't stop, engine engine number nine, and it's the wrong soundtrack for what I have to do now, bad back and all. I run across the platform, look down at you.
"HELP!"
"It's okay, I got you. Gimme your hand."
But you just scream again and you look like that girl in the well in The Silence of the Lambs and you don't need to look so freaked out because I'm here, offering my hand, ready to pull you up. You're shivering and staring down the tunnel and your head's filling with fear when you need to just take my hand.
"Omigod, omigod I could die."
"Don't look that way, just look at me."
"I'm gonna die."
You take a step forward and you know nothing of railroads. "Stay still, half the shit down there you can electrocute you."
"What?" And your teeth chatter and you scream.
"You're not dying. Take my hand."
"He's making me crazy," you say and you block your ears because you don't want to hear if my train runs off the tracks anymore. "That singing, that's why I fell."
"I'm trying to help you," I insist and your eyes pop. You look down the tunnel and then up, right into my eyes.
"I hear a train."
"Nah, you'd feel it. Gimme your hand."
"I'm gonna die." You despair.
"Take my hand!"
The homeless dude croons as if we're a nuisance he's got to outsing pick it up pick it up pick it up and you cover your ears and scream.
I'm getting impatient and an engine will come on these tracks eventually and why are you making this so hard?
"You wanna get killed? Because if you stay down here you will get run over. Take my hand!"
You look up and now I see a part of you that's new to me, a part that does want to be killed and I don't think you've ever been loved the right way and you don't say anything and I don't say anything and we both know that you're testing me, testing the world. You didn't get off that stage tonight until the last person stopped clapping and you didn't tie your shoelaces and you blamed the worlds when you tripped. 
Pick it up pick it up! Engine, engine, number nine
I nod. "Okay." I reach down with my arms, palms up. "Come on. I got you."
You want to fight. You are not easily rescued but I am patient and when you are ready, you wrap your hands around my shoulders and allow me to save you. I hoist you, loose sneakers and all, onto the yellow danger zone and then roll you onto the dirty gray danger-free concrete and you're shaking and you hold your knees to your chest as you scoot backward into the part of the green pole that faces inward, the safe place to sit, to wait.
You stil don't tie your shoelaces and your teeth chatter more than ever and I scoot closer to you and I point at your useless, flat, nonathletic sneakers. "May I?" I ask and you nod. 
I pull the laces tight and tie them in double knots the way my cousin taught me a hundred years ago. When the train sounds down the way, your teeth stop chattering, and you don't look so scared anymore. I don't have to tell you that I saved your life. I can see in your eyes and your glistening, grimy skin that you know it. We don't get on the train when the doors open. That's a given.


Tu tends tes bras mais tu trembles. Tu fais tomber ton téléphone mais tu te précipites pour le récupérer dans le mouvement tu trébuches - "Aaah!" - et tu glisses et tu trébuches sur ce putain de lacet et tu tombes paf et d'une manière ou d'une autre tu débarques dans la mauvaise direction et tu fais tomber le panneau jaune de danger et tu tombes dans la vraie zone de danger. Tu cries. C'est la plue rapide chute la plus lente que je n'ai jamais vu et tu n'est plus qu'une voix en bas sur les rails maintenant, un hurlement et sa chanson ne s'arrête pas, la locomotive, la locomotive numéro neuf, et c'est la mauvaise bande sonore pour ce que je dois faire maintenant, mal au dos et tout. Je cours vers la plateforme, je te regarde en bas.
"AIDEZ-MOI!"
"Tout va bien, je t'ai. Donnes-moi ta main."
Mais tu continues de crier encore et tu ressembles à cette fille dans le puits dans Le Silence des Agneaux et tu n'as pas à sembler si effrayée parce que je suis là, proposant ma main, prête à te remonter. Tu trembles et regardes vers le tunnel et ta tête remplie de craintes quand tu dois juste prendre ma main.
"Ohmondieu, ohmondieu je pourrais mourir."
"Ne pense pas à ça, juste regarde moi."
"Je vais mourir."
Tu fais un pas en avant et tu ne connais rien sur les chemins de fer. "Ne bouge pas, la moitié de la merde en bas pourrait t'électrocuter."
"Quoi?" Et tes dents claquent et tu cries.
"Tu n'est pas en train de mourir. Prends ma main."
"Il me rend folle," tu dis et tu te bouches les oreilles parce que tu ne veux plus entendre si mon train va dérailler. "Cette chanson, c'est à cause d'elle que je suis tombée."
"J'essaye de t'aider," j'insiste et tes yeux explosent. Tu regardes en bas vers le tunnel puis en haut, droit dans mes yeux.
"J'entends un train."
"Nan, tu le sentirais. Donnes-moi ta main."
"Je vais mourir." Tu perds espoir.
"Prends ma main!"
Le gars sans-abris fredonne comme si nous étions une nuisance il faut qu'il chante fort ramasse ça ramasse ça ramasse ça et tu couvres tes oreilles et cries.
Je deviens impatient et un train viendra sur ces rails éventuellement et pourquoi tu rends ça si compliqué ?
"Tu veux être tuée? Parce que si tu restes en bas ici tu seras renversée. Prends ma main!"
Tu regardes en haut et maintenant je vois une partie de toi qui est nouvelle pour moi, une partie qui veut vraiment être tuée et je ne pense pas que tu ai été un jour aimé de la bonne façon et tu ne dis rien et je ne dis rien et on sait tous les deux que tu es en train de me tester, tester le monde. Tu n'es pas descendue de la scène ce soir jusqu'à ce que la dernière personne ait arrêté d'applaudir et tu n'as pas lacé tes chaussures et tu en voulais à la Terre entière quand tu as trébuché.
Ramasse ça ramasse ça! Locomotive, locomotive, numéro neuf
J'hoche la tête. "Ok." Je te porte avec mes bras, les paumes vers le haut. "Allé, je te tiens."
Tu veux te battre. Tu n'es pas facilement sauvée mais je suis patient et tu es prête, tu enroules tes mains autour de mes épaules et tu me laisses te sauver. Je te soulève, perd les sneakers et tout, sur la zone jaune de danger et ensuite je te dépose sur le béton gris sale sans danger et tu trembles et tu tiens tes genoux sur ta poitrine en filant derrière dans la partie du pôle vert qui donne sur l'intérieur, la place sûre pour s'assoir, pour attendre.
Tu n'attaches toujours pas tes lacets et tes dents claquent plus que jamais et je me rapproche de toi et je pointe mon doigt sur tes inutiles, plates, non-sportives sneakers. "Puis-je?" je demande et tu acquiesces.
Je fais les lacets serrés et je les attache avec un double noeud de la manière dont mon cousin m'a appris il y a une centaine d'années. Lorsque le train approche, tes dents arrêtent de claquer, et tu ne parais plus si effrayée. Je n'ai pas à te dire que je t'ai sauvé la vie. Je peux voir dans tes yeux et ton éclatante, sale peau que tu le sais. Nous ne montons pas dans le train quand les portes s'ouvrent. C'est un fait.





Commentaire personnel : This book has been a revelation for me. I loved been in a weirdo guy's mind. It was scary but funny at the same time. The writing is amazing, really simple to understand for us, foreigners. Joe, the creepy main character in insanely crazy about this girl, Beck. He keeps following her everywhere and she doesn't know it. This is why there is always a certain strain on this novel.
Beck is a woman who loves been loved by everyone, this is why she's such a drama queen. She likes playing with other people and their feelings. She's young, 24, and she is still at school. She's dating this guy, Benji, who's playing with Beck's feelings. But she loves that.
A lot of american writers loved this novel, among Stephen King who was mentioned many times in it. He said, talking about it, that this book is "Hypnotic and scary... never read anything quite like it". This is probably the main reason why I've read You. And I must say, I was not disappointed once. The writer kept surprising me all along the novel. 
The thing is, there were times when Joe was violent, but the writer did not write pages on it. It was resumed in two sentences and that's it. This is why I love this book. You need to keep focused on every words, because if you loose it, you'll be lost and the story keeps evolving, progressing. I can't wait to read the second book to follow Joe's life after what he did. I can't tell that to you, it's a surprise. You really need to read it. 
Reading this novel, you penetrate into a pervert, psychopath mind. It is frightening because he seems lovely, kind with Beck at the beginning. But when he is not with her and we are reading his thoughts, then we understand how sick he is. But he doesn't get help. He is smart and cultivated. He is twisted and hot. Maybe it's the reason why Beck is into him. Joe is taking his time with her, even when they don't talk to each other in three weeks or six months, he keeps thinking about her whereas she doesn't. But we know also how's Beck doing because Joe follows her in every place or city.
Joe, every time he sees an obstacle in Beck's life, which means there is something or someone who get between Beck and Joe, he just clears it one way or another, like it disappeared without leaving a trace. He even broke into her place at the beginning, when they first met at the bookshop. He thinks about (almost) everything in his crimes. He does that because he loves Beck. But this is a one-way love story. All the things he is doing for her, it seems normal for him to do this, but for us it is unexpected and twisted. 

Ce livre a été une révélation pour moi. J'ai adoré être dans la tête d'un gars bizarre. C'était effrayant mais drôle en même temps. L'écriture est incroyable, vraiment simple à comprendre pour nous, les étrangers. Joe, le personnage principal terrifiant est complètement fou de cette fille, Beck. Il continues de la suivre partout et elle l'ignore. C'est pourquoi il y a toujours une certaine tension dans ce roman. Beck est une femme qui adore être aimée par tout le monde, c'est quoi elle est une vraie reine du drama. Elle adore jouer avec les autres et avec leurs sentiments. Elle est jeune, 24 ans, et elle est encore à l'école. Elle sort avec ce gars, Benji, qui joue avec les sentiments de Beck. Mais elle adore ça. 

Beaucoup d'auteurs américains ont adoré ce roman, dont Stephen King qui a été mentionné plusieurs fois dedans. Il a dit, en parlant de ça, que ce livre est "Hypnotique et effrayant... Jamais lu quelque chose comme ça". C'est sûrement la principale raison de pourquoi j'ai lu You. Et je dois dire, je n'ai pas été déçue une seule fois. L'écrivain n'a pas arrêté de me surprendre tout au long du roman. 
Le truc c'est qu'il y avait des passages où Joe était violent, mais l'écrivain n'a pas écrit des pages sur ça. C'était résumé en deux phrases et c'est tout. C'est pourquoi j'adore ce bouquin. Tu dois rester concentré sur chacun des mots, parce que si tu ne le fais pas, tu seras perdu et l'histoire continue d'évoluer, de progresser. J'ai hâte de lire la suite pour suivre la vie de Joe après ce qu'il a fait. Je ne peux pas vous le dire, c'est une surprise. Vous devez vraiment le lire. 
En lisant ce roma, vous pénétrez dans un esprit pervers et psychopathe. C'est effrayant parce que il semble charmant, gentil avec Beck au début. Mais quand il n'est pas avec elle et que nous lisons ses pensées, alors on comprend à quel point il est malade. Mais il ne se fait pas soigner. Il est intelligent et cultivé. Il est tordu et sexy. Peut-être que c'est la raison pourquoi Beck est attirée par lui. Joe prend son temps avec elle, même quand ils ne se parlent plus pendant trois semaines ou six mois, il continue de penser à elle, tandis qu'elle non. Mais on sait comment va Beck parce que Joe la suit dans chaque endroit ou ville. 
Joe, à chaque fois qu'il rencontre un obstacle dans la vie de Beck, ce qui veut dire qu'il y a quelque chose ou quelqu'un qui s'interpose entre Beck et Joe, il s'en débarrasse d'une manière ou d'une autre, comme si ça avait disparu sans laisser de trace. Il est même entré par effraction chez elle au début, quand ils se sont rencontrés pour la première fois dans la librairie. Il pense à (presque) tout dans ses crimes. Il fait ça parce qu'il est amoureux de Beck. Mais c'est une histoire d'amour à sens unique. Toutes les choses qu'il fait pour elle, ça semble normal pour lui de les faire, mais pour nous c'est inattendu et tordu.



samedi 30 septembre 2017

Mémoires d'une Geisha - Yuki Inoue





TitreMémoires d'une Geisha

Auteur : Yuki 
Inoue

Publication : 1997

Maison d'édition : Picquier poche

Couverture : Picquier & Protière

Traducteur : traduit du japonais par Karine Chesneau

Nombre de pages : 280

Sur l'auteur : ??

RésuméNée en 1892, vendue à l'âge de huit ans, Kinu Yamaguchi fera l'apprentissage du dur métier de geisha. C'est un peu l'envers du décor qu'elle raconte : avant de porter le kimono de soie, il lui faudra vivre un apprentissage rigoureux, étudier tous les arts de divertissement et endurer pour cela privations, exercices physiques traumatisants, soumission aux coups sous les ordres de la " Mère " et des " grandes sœurs ". Après son initiation sexuelle, elle s'enfuira, puis reviendra vivre dans le " quartier réservé " avant de devenir elle-même patronne d'une maison de geishas. 
Récit bouleversant, description édifiante de la vie de tous les jours dans l'intimité d'une okiya, avec ses cérémonies, ses coutumes, ses fêtes et ses jeux. On y entend des histoires de plaisirs, de chagrins, de courage aussi, qui éclairent sous un jour nouveau ce monde fermé sur lequel l'Occident ne cesse de s'illusionner.

Citation

Beaucoup de patronnes détestaient voir les geishas, "celles qui excellent dans les arts", entreprendre l'étude de la lecture et de l'écriture au Nyokôba. Il était en effet habituel d'interdire les journaux jusqu'à la fin du remboursement de leur dette. "Les lectures d'articles ne sont pas une bonne chose pour une geisha", ne cessaient de répéter les "mères" à leurs "filles". Kinu s'entendait dire : "Tu pourrais devenir "dérangeante". Et puis surtout, ne lis pas de livres. Si tu deviens savante, tu ne pourras jamais trouver de protecteur !" Ces femmes pensaient qu'il valait mieux pour les geishas rester à l'écart de la société et ignorer les nouvelles du monde. Elles ne tenaient pas à ce que leurs jeunes recrues se mettent à réfléchir, et c'était ce qui se passait lorsque celles-ci parcouraient des livres. Dans sa jeunesse, Kinu aimait les romans et en particulier ceux d'Izumi Kyôka qu'elle ne pouvait lire que la nuit et en cachette de la mère. A la lumière de la flamme d'une lampe à pétrole dont la mèche était à peine sortie, elle lisait un livre emprunté à l'un de ses clients, prenant sur ses heures de sommeil pourtant nécessaire après son fatigant travail aux zashiki. Kinu appréciait l'écrivain Izumi parce que, me dit-elle un jour : "Comme n'importe quelle adolescente, j'aimais, j'adorais ou j'admirais toujours quelqu'un. Et comme dans notre milieu, de tels sentiments étaient mal vus, je me sentais d'autant plus attirée par ces histoires romanesques qui me faisaient complètement rêver." Mais son petit manège était très vite démasqué (à cause de la diminution du niveau de pétrole) et plus d'une fois, elle se fit sévèrement réprimander.


Commentaire personnel : Ce roman nous plonge dans le Japon du XXème siècle. Ayant une idée vague de ce qu'est la geisha, j'ai pu apprendre les rites de passages, mais aussi quelques mots comme taata, mizu-age, okkasan... Taata est le nom qu'on donne à Kinu, pour dire "petite fille" quand elle arrive dans l'okiya. Le Mizu-age c'est le rite de passage des geishas lorsqu'elles perdent leur virginité avec un homme choisi par leur "mère", c'est-à-dire la patronne. Nous sommes donc plongés dans la culture asiatique, dans la nourriture jusqu'aux plantes, passant par les croyances et les prédictions. 
Kinu est la geisha dont l'histoire est racontée dans ce roman. Elle a une petite soeur, Sato, et un petit frère, Goichi. Sato deviendra par la suite geisha comme sa soeur, et Goichi pauvre comme leur père. 
On comprend petit à petit la difficulté de leur métier. Elles sont vendues très jeunes à la maison de geisha (okiya) pour une somme d'argent versée leurs parents. Puis pendant plusieurs années elles doivent apprendre le métier, c'est-à-dire apprendre l'art, la danse, le chant, apprendre à bien s'exprimer, à verser le thé d'une certaine manière... Elles portent des chaussures qui leur serrent les pieds afin d'avoir des petits pieds toute leur vie. 
Kinu travaille d'arrache-pied, et lorsqu'elle fait son mizu-age, donc lorsqu'elle perd sa virginité avec un inconnu décidé par sa "mère", elle sait que c'est à partir de ce moment précis qu'elle devient geisha. Le mizu-age est très important dans une maison de geisha car un client va payer beaucoup plus cher pour dépuceler une geisha. À partir de ce moment, chaque moment compte. Elle doit coucher avec un nombre inimaginable de partenaires différents afin d'avoir suffisamment d'argent pour rembourser sa dette. Quand la dette est remboursée, les geishas sont libres, mais comme le travail est difficile à trouver à cette époque, nombreuses sont celles qui restent travailler jusqu'à quarante ans, voire plus. 
Kinu est différente. Elle rembourse sa dette avec succès, devient célèbre dans les environs, et part. Elle fuit chez son oncle et se réfugie afin de retrouver son amant, mais leur histoire ne marchera pas. Elle décide alors, avec l'aide de sa soeur Sato, d'ouvrir sa propre okiya. 

L'histoire était passionnante, mais malgré que ce soit un classique, je n'ai aimé que la fin. Je l'ai trouvé long, avec un peu trop de mots japonais à mon goût. Cela devenait lassant lorsque l'histoire n'avançait pas. Ayant l'habitude de lire des polars, l'action n'était pas au rendez-vous, mais je le savais avant de lire ce roman donc cela ne m'a pas choqué. En revanche, je conçois que ce livre soit riche en détails de la dure vie quotidienne d'une geisha, et certaines informations m'ont vraiment plues. Je suis donc partagée sur ce livre.